la vie

18.8.06

Entre vouloir et pouvoir

La lettre que je reçois est enthousiaste, positive, pleine de bonnes choses et cependant je ne peux m’empêcher de porter un regard que je veux plus lucide et peut-être plus exigeant sur son contenu :

« Quand je lis vos livres, c’est une caresse de joie sur mon âme. L’enfant qui n’est jamais très loin en moi rit du plaisir de se découvrir, de se voir débusquer aussi, entendu et (parfois) compris. Je sens chez vous tant de compassion et d’amour au cœur d’une redoutable lucidité, qui me permet de comprendre comment je me massacrais (je me maganais, comme on dit ici au Québec !). Vous êtes semblable à un médecin qui travaille au ras des pâquerettes, pour employer une expression chère à mon fils ; qui vous montre que vous boîtez et saignez... parce que vous continuez à marcher avec un clou ou un caillou que vous avez laissé au fond de votre chaussure. Combien en ai-je trouvé des clins d'oeil, des cailloux, des échardes dans mes chaussures depuis que je vous lis ! D’autres fois, vous m’avez montré que ce qui me semblait une blessure purulente, installée pour la vie, destinée à me rendre malheureuse pour le restant de mon existence, n’était que ma façon d’entretenir ma souffrance. J’ai eu une grande peine (j’ai pleuré deux jours entiers ! que d’eau dans un corps de femme !) quand j’ai réalisé à quel point je me faisais mal avec une constance effroyable. Comment je me faisais, depuis quasiment l’enfance, une vie d’enfer, au milieu de malentendus permanents avec moi-même. Par manque d’amour envers moi. Alors que j’étais persuadée que c’était la faute des autres ! Toujours des autres, en commençant pas ma mère, mon frère, mon ex-mari, mon mari actuel…

Votre livre fermé, le soleil revient dans mon coeur qui se fait plus léger et curieux de toute cette vie que je sens en moi. L’impression d’avoir quelques kilos de croyances en moins... qui laissent la place a un flot de liberté-gratitude, à une intensité de vie vertigineuse, au plaisir d’exister. Croyez-vous qu’avant notre dernier souffle, on peut espérer trouver la quiétude due à l’assurance qu’il n’y a plus de "parasites" en nous ? Répondez-moi un jour si vous en avez le goût. Si, bien sûr, il y a une réponse… Ma vie aujourd’hui est un vrai tourbillon de créativité et de rencontres avec de belles personnes. Vous m’avez offert un coin de ciel bleu ce qui lui donne un peu de paix et plus de sens. Je vous fais un gros hug d’amour et de lumière ! »

Comme il est bon de recevoir (de temps en temps) de telles lettres gratifiantes et bienfaisantes, non seulement pour l’ego mais aussi pour l’estime de soi. Ce qui m’a paru important dans ce récit, c’est le leurre qui peut s’inscrire en nous, en nous laissant croire que la seule lecture d’un livre va transformer notre vie. Un livre peut être un éclairage possible, favoriser une prise de conscience, nous réveiller… Mais comme disait ma grand mère : « Si la prise de conscience est nécessaire, elle n’est pas suffisante à révolutionner votre vie. Ainsi, ajoutait-elle, j’ai pris conscience que le pneu arrière de mon vélo était dégonflé. C’est curieux, cela ne l’a pas regonflé ! ».

Au-delà de la prise de conscience, encore faut-il se donner les moyens d’assurer son changement sans tomber dans la répétition… Ou l’illusion de croire que parce que nous avons compris, nous allons supprimer les difficultés et avoir des relations et une vie meilleure.