La nature morte et le suaire
Une femme est en train d'écrire une lettre à son fils qui voyage en Inde, en train de lui parler de la fiction à laquelle elle travaille. Pour la première fois, sa main balance, hésite entre la lettre et la fiction, cherche, gauchement sans doute, à déplacer des bouts de fiction, à les faire glisser vers la lettre pour que le fils saisisse, pour la première fois peut-être -- malgré la distance ou à cause d'elle justement --, ce qui préoccupe tant sa mère : ces oiseaux noirs qui volent si bas, l'obligeant certains soirs à converser avec eux; ces oiseaux noirs dont les piaillements la poursuivent jusque dans ses rêves; qu'il saisisse cette peur qui l'a toujours habitée, mais que, bien maladroitement, elle a toujours camouflée dans une gestuelle baroque, oui, cette peur des petites comme des grandes dévastations, et sa passion du détail, et son obsession du lien, et ce cri qui n'est jamais venu; qu'il se figure les choses telles qu'elles sont maintenant, depuis son départ. Si étonnantes, les choses : sa mère s'intéressant à des clous ficelés, des cosses ouvertes, roulées et assemblées en forme de couronne, une miniature de château en ruines, un ramassis d'insectes, un bord de mer avec son cortège de petites momies.
Cimetière : la rage muette/ DESAUTELS, Denise. Montréal, Dazibao, 1995, p. 36-37.
Cela m'évoque bien des souvenirs si présents et si loin à la fois...
1 Comments:
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By Anonyme, at 21/7/06 02:33
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