la vie

2.5.06

Le temps passe, doucement… Trop doucement lorsque l’air a du mal à entrer dans les poumons…Je compte presque les minutes, je secoue le sablier pour le hâter. Mais rien n’y fait, il n’accélère pas pour autant. J’aimerais « oublier » de respirer, ne pas y penser. Chaque seconde, je suis consciente que respirer me fait vivre, que c’est vital. Je souhaite tant que ça redevienne de l’ordre du réflexe, respirer sans m’en rendre compte…J’attends, j’attends et j’attends encore…ça n’en finit plus. Le pire est de ne pas savoir quand !Et lorsque la sonnerie va retentir, l’angoisse va à nouveau arriver à son comble. La course contre la montre sera lancée ... le stress d’un nouvel échec. Ne dit-on pas : « jamais deux sans trois » ! Non, pas ça, je ne le supporterai pas…Coule … coule sable … je t’observe, dans l’attente … Lasse, sensation de fatigue générale … Inapte à l’action, au mouvement, tout me pèse… Voilà bientôt cinq mois que l’anesthésie a eu lieu…Endormie avec la joie et la peur de me réveiller greffée…Tout s’écroule en quelques minutes une fois les yeux ouverts… La transplantation est annulée, anéantie, les larmes s’échappent…Le temps est long, les secondes ne s’écoulent plus…Au fond de moi, j’espérais que l’appel suivant serait proche…Moins d’une année d’attente m’a dit le chirurgien… Je vis en « stand by », je n’ai plus la force d’avancer…Je surveille le téléphone et à chaque appel, je croise les doigts…Mais je suis toujours là, avec mon amie l’angoisse… Je traîne en pyjama toute la journée sans énergie…Je ne prends plus soin de moi, à quoi bon…Je m’épuise à me faire « jolie » et pour quoi, pour qui ?Je préfère préserver le peu de force qu’il me reste encore…Je me réfugie dans mes créations d’habillages…Là, je trouve encore un peu de motivation… Abattue, papa me manque et je m’inquiète pour lui…Bon sang, que 2006 soit l’année de la lumière retrouvée…Le parcours de reconstruction de papa sera long et pénible…Le mien également, une bonne année après l’intervention…L’envie de tourner la page est récurrente et pressante…Vite, vite, téléphone…sonne ! Perdue dans mes pensées angoissantes… Nuits perturbées en ce moment…Ces songes récurrents sont-ils prémonitoires ?Un scalpel bien aiguisé m’ouvre le thorax…Un lac pourpre s’échappe dès l’ouverture…C’est mon sang, je me vide de ce liquide vital…La peur, la vue de ce rouge vif me terrorise. Là, le chirurgien m’ôte mes chers poumons…Voilà 35 ans qu’ils me font vivre…Comment gérer cette séparation indispensable ? Comment accepter de purs étrangers en moi ?Je sais qu’ils sont ma chance, mon espérance…Après tant d’attente, je deviens impatiente...En même temps, je suis apeurée. Une vie doit s’éteindre pour mon souffle…Difficile de concevoir cette condition nécessaire…Je ne souhaite la mort de personne…Ce paradoxe me « bouffe » l’esprit… Imaginer une famille en souffrance…D’avoir perdu un être cher mais généreux… Car grâce à lui, je vais renaître ! Déjà infiniment reconnaissante, peu de mots…Ils sont inutiles à mon sens dans ces moments…Le don d’organes est un don du cœur…La mort rend la vie, c’est une manière de revivre…Ces organes du souffle retrouvé seront chéris…J’en prendrai soin chaque seconde …C’est ma seule façon de dire « MERCI ».